BASILIQUE SAINT DENIS

                La basilique cathédrale de Saint-Denis

En l'espace de trois siècles, de 1050 à 1350, la France a extrait plusieurs millions de tonnes de pierres pour édifier quatre-vingts cathédrales, plus de 500 grandes églises et des milliers d'églises paroissiales. La France a charrié plus de pierres en ces trois siècles que l'ancienne Égypte dans toute son histoire. À l'issue de l'époque gothique, il y avait une église pour deux-cents habitants et de quoi abriter plus que la population tout entière. La hauteur des nefs, des tours et des flèches ne cesse de nous étonner: 105 mètres pour la cathédrale de Chartres, 142 mètres pour la cathédrale de Strasbourg. Qui étaient ces bâtisseurs, qui étaient les oeuvriers de ces immenses édifices, de ces vaisseaux de pierre et de verre de l'époque gothique ? De quoi était fait le génie et l'audace de ces hommes qui osèrent défier les lois de l'équilibre et du temps ?

"Les chemins de la connaissance"  Les oeuvriers des cathédrales, France-Culture



La basilique s'élève sur l'emplacement d'un cimetière gallo-romain qui abrite la sépulture de Saint Denis, considéré comme le premier évêque de Paris, martyrisé vers 250. Lieu de pèlerinage, elle est construite au Ve siècle; Dagobert, au VIIe siècle, en est le bienfaiteur. Pépin le Bref s'y fait sacrer roi en 754. Elle deviendra l'une des abbayes  bénédictines les plus puissantes du Moyen-Âge. La plupart des rois et reines de France y sont enterrés dès le VIe siècle.




Au XIIe siècle, l'abbé de Saint-Denis, Suger, est un personnage politique influent. Il fait de l'abbaye un chef-d'oeuvre de ce que l'on nommera le premier art gothique. Il reconstruit l'édifice selon de nouvelles techniques architecturales, rose et voûte sur croisée d'ogives, entre autres, permettant d'inonder l'édifice de lumière colorée. Au XIIIe siècle, sous le règne de Saint Louis, de nouveaux travaux donnent à la basilique son aspect actuel. Mais les guerres et la Révolution précipitent le déclin de l'abbaye. Restaurée au XIXe siècle, notamment par Viollet-Leduc, elle devient cathédrale en 1966.












Dagobert visitant le chantier de la construction de Saint-Denis
enluminure de Robert Testard, Grandes Chroniques de France


En 1130, la plus royale des églises n'était pas une cathédrale mais un monastère: Saint-Denis-en-France. Depuis Dagobert, les successeurs de Clovis avaient choisi ce sanctuaire pour nécropole, et les trois races qui successivement dirigèrent le royaume des Francs n'avaient cessé d'y ensevelir leurs morts; Charles Martel, Pépin le Bref, Charles le Chauve y reposaient dans le caveau royal près de Dagobert et de ses fils, près de Hugues Capet, de ses ancêtres les ducs de France, et de ses descendants, les rois. Face à cette lignée de sépulcres, Aix-la Chapelle apparaissait comme un intermède, comme un rejet, une floraison adventice. C'était dans la crypte de Saint-Denis que s'enfonçaient les racines du tronc souverain, du royaume que Clovis, sur les débris de la puissance romaine, avait fondé avec l'aide de Dieu, par son baptême ...



... Après le sacre, les rois de France venaient déposer ici, près des tombes de leurs prédécesseurs, la couronne et les emblèmes de leur pouvoir. Ils allaient y prendre l'oriflamme au départ des expéditions militaires. On priait ici pour leur victoire, on écrivait ici le récit de leurs exploits. Ce fut autour de la "maître abbaye" que se rassemblèrent les légendes, la matière des chansons épiques qui, dans les assemblées de chevaliers, célébraient, autour de Charlemagne héroïsé, "douce France", ses souverains et l'éclat de leurs conquêtes. Comblé des bienfaits royaux, le monastère ruisselait d'opulence. Il régnait sur le grand vignoble parisien, sur la foire du Lendit où les bateliers de Seine venaient charger les fûts de vin nouveau pour les conduire vers l'Angleterre ou vers la Flandre. Au seuil du XIIe siècle, sa richesse croissait sans cesse avec l'essor des cultures et du commerce, et son prestige avec celui ds rois de Paris. Vers lui tout naturellement s'opérait la translation qui ramenait peu à peu les forces dominantes de la chrétienté, depuis l'empire que les Ottons avaient jadis rénové en Germanie, vers le royaume des fleurs de lys...



... Il est né de la volonté d'un homme, Suger. Ce moine qui n'était pas de haute noblesse, était l'ami d'enfance du roi (Louis VII). Cette amitié le poussa jusqu'au sommet de l'autorité politique. Abbé, il percevait mieux que personne les valeurs symboliques du monastère dont il avait pris la conduite ...

Suger consacra les richesses de son monastère à composer un cadre splendide pour le déroulement des liturgies. Entre 1135 et 1144, contre les tenants de la pauvreté totale qui l'attaquaient, il entreprit de reconstruire l'église abbatiale et de l'orner, travaillant pour l'honneur de Dieu, pour celui de saint Denis, mais aussi pour l'honneur des rois de France, les morts ses hôtes, le vivant son ami et son bienfaiteur.

Georges Duby, Le temps des cathédrales, La cathédrale, 5 Dieu est lumière.


La foire du Lendit (pour "l'endit, du latin indictum, "rendez-vous fixé") se tenait tous les ans en juin, entre Paris et Saint-Denis depuis 635 environ. "Elle a joué dans le Haut Moyen Âge un rôle "international", notamment comme marché du miel. Aux XIIe-XIVe siècles, son rôle est essentiellement parisien et régional (Champagne, Flandre, Normandie, Orléanais, Auxerrois. Elle se tient sur le terrain de la juridiction de l'abbé de Saint-Denis, mais le jour de l'ouverture, une procession solennelle  part de Notre-Dame de Paris, et l'évêque de Paris va donner sa bénédiction aux marchands" (Jacques Le Goff, La Civilisation de l'Occident médiéval)


À la faveur du culte très populaire de saint Denis la basilique a su très tôt lier son destin à celui de la royauté. Elle devint la nécropole privilégiée des souverains français, et chaque nouvelle dynastie perpétua cette tradition pour affirmer sa légitimité. 42 rois, 32 reines, 63 princes et princesses et 10 grands du royaume y furent enterrés; Napoléon Ier lui-même voulut en faire une nécropole impériale. Dagobert est le premier roi a y avoir été enterré. Mais c'est à partir de Hugues Capet que les souverains y furent systématiquement inhumés, à quelques exceptions près. Les premières histoires de France officielles sont nées de la plume des moines dyonisiens.



Par définition, la cathédrale est l'église de l'évêque, donc l'église de la cité, et ce que l'art des cathédrales signifia d'abord en Europe, ce fut la renaissance des villes. Celles-ci, aux XIIe et XIIIe siècles, ne cessent de croître, de s'animer, d'étendre leurs faubourgs le long des routes. Elles captent la richesse. Après un très long effacement, elles redeviennent, au nord des Alpes, les foyers principaux de la plus haute culture. Mais la vitalité qui les pénètre vient, presque tout entière encore, des champs environnants. À la ville, la plupart des seigneurs ont à ce moment choisi de transférer leur résidence. Vers la ville ont désormais convergé les produits de leurs domaines. Dans la ville les commerçants les plus actifs sont alors des marchands de froment, de vin, de laine...








... Art urbain, l'art des cathédrales a donc puisé dans les campagnes proches le principal aliment de la croissance, et ce furent les efforts d'innombrables pionniers, défricheurs, planteurs de ceps, façonneurs de fossés et de digues qui, dans les succès d'une immense conquête agricole, le portèrent à son accomplissement. Sur un fond de moissons nouvelles et de jeunes vignobles se sont dressées les tours de Laon; sculptée dans la pierre, la figure des boeufs de labour les couronne; aux chapiteaux de toutes les cathédrales, des pampres fleurissent; les façades d'Amiens et de Paris représentent le cycle des saisons par l'image des travaux paysans. Juste célébration; ce moissonneur qui aiguise sa faux, ce vigneron qui taille, bêche ou provigne ont, par leur ouvrage fait sortir de terre le monument. Il est le fruit de la seigneurie, c'est à dire de leur labeur. Or, nulle part l'élan de prospérité rurale ne fut plus vif à cette époque que dans le nord-ouest de la Gaule. Les campagnes les plus plantureuses du monde s'aménagèrent au coeur de cette région, dans les plaines qui entourent Paris. Aussi, l'art nouveau fut-il reconnu par tous les contemporains comme "l'art de France". Il s'épanouit dans la province qui portait alors ce nom, celle où Clovis était mort, entre Chartres et Soissons. Il fixa dans Paris le foyer de son rayonnement.
Georges Duby, (1919-1996) Le temps des cathédrales, La Cathédrale 1130-1280




Georges Duby (1919-1996) est un universitaire et historien français. Spécialiste du Moyen-Âge, il est membre de l'Académie française et professeur au Collège de France de 1970 à 1991.

Dans ce volume, 

Des sociétés médiévales
Le dimanche de Bouvines
Le temps des cathédrales
Les trois ordres ou l'imaginaire du féodalisme
Guillaume Le Maréchal
Dames du XIIe siècle
Textes épars















                                          Statue-colonne du portail nord de la façade occidentale            









Gisants (1263-1264) de Pépin le Bref (714-768), roi des Francs de 751 à 758 - Berthe, reine des Francs épouse de Pépin le Bref. (commande de Saint Louis)




Gisants (1250) de Jean et Blanche de France morts en 1248 et 1243, fils et fille de Saint Louis et de Marguerite de Provence.





      Gisants de Philippe IV le Bel, (1268-1314), roi de France et de Navarre de 1285 à 1314.
                        Philippe III le Hardi (1245-1285), roi de France de 1270 à 1285.


                   Gisants de Charles Martel (685-741), roi de France de 718 à 741.
                                     Clovis II (635-657), roi de Neustrie et de Bourgogne de 639 à 657.











                                                                    Bijoux d'Arégonde
       Bijoux découverts dans la tombe de la reine Arégonde, femme de Clotaire Ier, (morte vers 565)
           boucles d"oreilles, épingles, fibules, bague et garniture de ceinture. (musée du Louvre)



                                              sarcophages dans la crypte archéologique














Ossuaire royal

L'ossuaire, aménagé en 1817 à la demande de Louis XVIII, renferme une partie des ossements royaux exhumés par les révolutionnaires en 1793 et placés par eux dans des fosses communes au nord de la basilique. Cette petite pièce était l'ancien tombeau du vicomte de Turenne, maréchal de France sous Louis XIV.




La violation des caveaux des rois dans la basilique de Saint-Denis en octobre 1793
Musée Carnavalet

Hubert Robert (1733-1808)






     Les priants de Louis XVI et Marie-Antoinette ont été commandés par Louis XVIII à l'occasion du                                         retour des cendres des souverains et achevés vers 1830.




La chapelle d'Hilduin

Édifiée par l'abbé Hilduin en 832, reconstruite par l'abbé Suger en 1140, cette chapelle devient au XVIIe siècle le caveau des Bourbons où les cercueils des souverains étaient placés sur des tréteaux de fer. Les dalles funéraires de marbre rappellent la décision de Louis XVIII, en 1815, de faire inhumer à Saint-Denis des personnages royaux qu'il affirmait avoir retrouvés.


Roi de France de 1774 à 1793, puis roi des Français de 1791 à 1792. Inhumé à Paris au cimetière de la Madeleine où Louis XVIII fit édifier la chapelle expiatoire. À Saint-Denis, le 21 janvier 1815. 


Reine de France de 1774 à 1791, puis reine des Français de 1791 à 1792, épouse de Louis XVI. Inhumée à Paris au cimetière de la Madeleine où Louis XVIII fit édifier la chapelle expiatoire.
À Saint-Denis, le 21 janvier 1815.


Reine de France de 1575 à 1589, épouse d'Henri III
inhumée au couvent des Capucines à Paris
À Saint-Denis en 1815


                            Funérailles de Philippe VI dans les "Chroniques" de Jean Froissart
                                                                   manuscrit du XVe s, BNF
                                L'arrivée du corps de Philippe VI à la basilique de Saint-Denis


                                                                  La bataille de Crécy (1346)

                     L'oriflamme est brandie par les Français (à gauche) face à leurs adversaires anglais.
           Cette bannière identifiée à celle de Charlemagne, était levée en temps de guerre. La prise de             l'oriflamme sur l'autel des reliques assurait au souverain la protection de saint Denis.



Tombeau de Louis XII (1462-1515), roi de France de 1498 à 1515 et de Anne de Bretagne, reine de France, duchesse de Bretagne, épouse de Charles VIII en 1491, puis de Louis XII en 1499.
À l'intérieur, transis du roi et de la Reine. Sur la plate-forme, priants du roi et de la reine.
Sur le pourtour, 12 apôtres et les vertus cardinales (prudence, justice, force, tempérance)
Bas-relief du sous-bassement : scènes de batailles des guerres d'Italie.
Commande de François Ier en 1516.


Henri II (1519-1559), roi de France de 1547 à 1559 et Catherine de Médicis (1519-1589), reine de France, épouse d'Henri II en 1533.







            Gisants de Philippe V le Long (1294-1322), roi de France et de Navarre de 1316 à 1322.
                       Jeanne d'Évreux (1307-1371), troisième épouse de Charles IV en 1325.
                   Charles IV le Bel (1294-1328), roi de France et de Navarre de 1322 à 1328.



                                                        Henri II et Catherine de Médicis





            Gisant de Clovis Ier (465-511), roi des Francs de 481 à 511, fils de Childéric Ier et de Basine


                Childebert Ier (496-558, roi de Paris de 511 à 558. Fils de Clovis Ier et de Clothilde.
                               Gisant considéré comme le plus ancien dans la France du Nord.











                                                                La chapelle des princes
Dans cette chapelle reposent différents personnages inhumés après la Révolution. La disposition des cercueils en plomb entourés de bois et placés sur des tréteaux de fer rappelle celle du caveau des Bourbons au XVIIIe siècle. Au fond de la chapelle, les urnes contiennent les restes (coeur, entrailles) de personnages royaux et princiers à l'origine inhumés en d'autres lieux.



                                                            Vue de la crypte archéologique
La crypte archéologique avec l'emplacement de la sépulture de Saint Denis et les vestiges des basiliques primitives élevées sur sa tombe depuis le IVe siècle.



    


Paris, place de la Nation, haut perchés : Philippe Auguste et Saint Louis










dans les couloirs du métro parisien




            Musée Guimet









                                         Sarcophage provenant d'une sépulture mégalithique
                                    Souttoukeny (territoire de Puducherry. IIe siècle avant J.-C.
                                                                          terre cuite rouge

La sépulture mégalithique explorée sur le site de Souttoukeny abritait- outre une céramique abondante, des armes et des outils de fer et un exceptionnel ensemble de bijoux d'or et d'argent- deux sarcophages de terre cuite. L'étude des ossements retrouvés dans les sarcophages a montré que les corps avaient été  préalablement exposés et décharnés avant d'y être déposés.



Vietnam







          Vishnu reposant sur Ananta, le serpent de l'éternité. État du Tamil Nadu, XVIIe-XVIIIe siècle


                                   Les Yogini ou déesses magiciennes, État du Tamil Nadu





                 Laos, Bouddha Maravijaya, région de Vientiane, bronze, fin du XVIIIe siècle, art Lao

L'inscription en caractères "Tham Lao" figurant sur le socle de ce bouddha précise : en 954 de l'ère Culla, en l'année Ta Cay, le 10e mois, 4ème jour de la lune décroissante (soit le mardi 4 septembre 1792, le patriarche qui a une foi fervente de même que les dévots et les dévotes offrent cette image en fin d'après-midi. Que le nirvana soit le résultat de cette offrande.



                                       Chine, moine assis, dynastie Song du nord. (960-1127)


Japon, coffre Nanban, époque de Momoyama (1573-1603) ou Edo (1603-1868), début du XIIe siècle







                                                      Shiva, seigneur de la danse. bronze, 11e siècle, état du Tamil Nadu













Et le voyage continue ...
And the journey continues ...

nomadensolo@gmail.com





1 commentaire:

Yasmine a dit…

Quelle beauté! I would love be able to visit these places one day. Beautiful, detailed, informative page.