CAMBODGE



Cambodge

Superficie : 181 000 km2
Population : 14 701 000 
Monnaie : Riel
Indépendance de la France : 9 novembre 1953
 

Phnom Penh National Museum
Khmer Art and Historical Documents

J'arrive de Ho Chi Minh Ville où j'ai passé 4 jours pour m'y procurer un visa pour le Cambodge. Du consulat, sous une pluie torrentielle de mousson, en sandales et abrité d'une cape, retour à pied vers mon hôtel, totalement absorbé par le spectacle de la rue. 
Visite de  Cholon, le fameux quartier chinois,  de la pagode Quan Am fondée au début du XIXe, du musée d'Histoire, du musée de la Guerre, avec entre autres ses nombreuses photos prises par des journalistes pendant la guerre contre les américains et celles contre les forces d'occupation française. 

Place de choix sur le bus Saigon - Phnom Penh ( 7 heures), assis en belle compagnie, une timide beauté Khmer aux long cheveux noirs lui coulant jusqu'à la ceinture. Sans aucun doute la meilleure place à bord. Les trois ou quatre visages pâles à bord ont certainement envié mon sort ...











Located on the banks of the Tonlé Sap and the Mekong River, Phnom Penh was founded in 1434 to succeed Angkor Thom as the capital but was abandoned several times before being re-established in 1865 by King Norodom. The picturesque city is built around the Royal Palace and Preah Morokot Pagoda, the latter famous for its floor of silver tiles.

The Royal Palace













"Un jeune prêtre vient de quitter la pagode et l'habit religieux pour rentrer dans sa famille et choisir une compagne; il se baigne au bord du fleuve par la grande chaleur du milieu du jour.
Tout à coup, une partie de la berge, rongée par les eaux, s'éboule. La chute des terres cause un remous tel qu'il pousse le nageur jusque dans la partie impétueuse du courant. Il est entraîné malgré ses efforts. Le soleil baisse à l'horizon; le jeune homme a en vain lutté pour gagner le bord; le léger vêtement qui le couvrait pour le bain a disparu. Ses forces l'abandonnent: il implore Pra-En, lui confie son destin et, se contentant de se maintenir à la surface de l'eau, il se laisse emporter.
À ce moment, trois jeunes filles venues pour puiser de l'eau l'aperçoivent. La première pousse dans le fleuve un tronc de bois mort auquel le naufragé parvient à s'accrocher, mais son épuisement est grand: incapable de le diriger vers la rive, il reste à la merci des eaux. On entend dans le lointain le grondement d'un rapide; les flots s'y brisent tumultueusement contre les rochers. Malgré le secours puissant qu'il a reçu, l'infortuné va périr. Les jeunes filles le suivent en courant sur le bord.
La deuxième a pris un long bambou; elle le lui tend. Il peut le saisir; il est sauvé! Au moment où il sort de l'eau, la troisième voit qu'il est nu. Elle se dépouille rapidement de son écharpe et la lui jette.
Aussitôt qu'il est à terre, le jeune homme tombe à genou sur le sol; il remercie Pra-En puis les jeunes filles. Celles-ci l'interrogent; il répond: "J'ai ce matin quitté la pagode et l'habit religieux pour rentrer dans ma famille et choisir une compagne. Je me baignais au bord du fleuve par la grande chaleur du milieu du jour, tout à coup, une partie de la berge, rongée par les eaux, s'éboule.. La chute des terres cause un remous tel qu'il me pousse dans la partie impétueuse du courant. Je n'en puis sortir: mes forces sont épuisées. Je sens que je vais périr; je remets mon destin aux mains de Pra-En. Vous apparaissez alors; vous êtes mon salut."




Les jeunes filles ont considéré le naufragé; elles l'ont trouvé beau. La pensée est venue à chacune qu'il pourrait devenir son époux. La troisième s'exprime ainsi: "Ce qui arrive, ô jeune homme, a lieu par la volonté de Pra-En lui-même: l'une de nous sans doute vous est destinée!" Et son regard dit qu'elle serait heureuse d'être celle choisie. Mais la première jeune fille aussitôt s'écrie: "Il ne saurait être l'époux d'une autre que moi. Je l'ai sauvé, il m'appartient." Alors la deuxième parlant à son tour: "C'est à moi qu'il doit être, sans moi sa mort était certaine! Allons au juge!"

Cependant le juge a écouté le récit du jeune homme. Il a aussi entendu les deux premières jeunes filles; il s'adresse à la troisième: "Et vous qui couvrez votre poitrine de vos bras croisés, quelle obligation vous doit le naufragé qui puisse être comparée aux services rendus par vos compagnes? - Je n'ai pas contribué à lui sauver la vie. Le voyant sortir sans vêtements de l'eau, je me suis dévêtue de mon écharpe et la lui ai jetée."







"Le juge conclut ainsi: "La première de ces jeunes filles a fourni à un malheureux emporté par les eaux le moyen de surnager. Elle lui a sauvé la vie car, dans sa détresse, il n'aurait pu sans son aide attendre le secours qui lui a ensuite été donné. La deuxième l'a retiré du fleuve au moment où il allait périr dans les rapides et les tourbillons. Toutes deux, en remplissant généreusement leur devoir, ont accompli une action également belle. La troisième, voyant un jeune homme sortir sans vêtements de l'eau, a voulu de suite le couvrir et s'est dépouillée de son écharpe. Jeune homme, quoique le service que vous ont rendu les deux premières jeunes filles leur ai peu coûté, il est tel que vous leur devez désormais une reconnaissance approchant de celle que vous devez à votre mère. Le sentiment de pudique protection auquel a obéi la troisième est celui qu'une jeune fille aurait éprouvé pour son fiancé; son action a établi un lien entre elle et vous. De ces trois jeunes filles qui désirent vous avoir pour époux, c'est à elle qu'il appartient de vous conduire vers ses parents."
 Le jeune homme ayant salué le juge, s'agenouilla aux pieds des deux premières jeunes filles et les remercia de nouveau, demandant au ciel qu'il lui fut donné de rendre un jour pareil service à des humains. Puis il s'approcha de celle dont il avait pour vêtement l'écharpe: "Ô jeune fille, conduisez-moi vers vos parents, je serai heureux s'ils me reçoivent avec bonté."

Un des nombreux contes recueillis par l'explorateur breton Auguste Pavie au cours de plus de vingt-cinq années passées en Indochine à la fin du XIXe siècle.


Auguste Pavie (1847-1925)


"Dans ces temps, déjà loin, où campé en forêt, installé dans les plaines, abrité dans le temple, ou la case commune, d'un village cambodgien ou siamois, j'en étais aux premières de mes années de marche, les moments de repos pour l'esprit, après le travail de la carte mis au net, le repas du soir pris, étaient les heures de causerie avec les guides, ceux souvent nombreux qui marchaient avec moi, les prêtres de la pagode, enfin parfois le hameau tout entier.
C'était toujours avec un véritable plaisir que les vieux et les jeunes se groupaient, pressés, les uns pour parler, les autres pour nous entendre sous les grands arbres des bois, ou sur les nattes des temples, au clair des étoiles ou à la lueur des torches doublement parfumées d'écorce de Smach et de résine de Klong.

Auguste Pavie, Contes populaires du Cambodge, du Laos et du Siam
Source gallica. Bibliothèque nationale de France


En pirogue, à pied ou à dos d'éléphant, Auguste Pavie sillonne ainsi fleuves et forêts d'Indochine pendant un quart de siècle. Marchant pieds nus, se nourrissant de riz, il adopte les usages locaux, persuadé qu'ils sont les mieux adaptés à la vie en jungle. Topographe, il se fait aussi naturaliste, et à la pratique des sciences de la nature il ajoute celles des sciences humaines, notamment l'ethnographie. Il se montre curieux des peuples qu'il rencontre et dont il a appris la langue, recueille leurs légendes, observe leurs coutumes. Pour compléter ses observations, il traduit les textes anciens et emporte avec lui son encombrant appareil photographique.

Henri Eckert, historien, spécialiste de l'histoire militaire de l'ancienne Indochine française.























portails de maisons coloniales à Phnom Penh




























Sept heures de route depuis Phnom Penh m'ont conduit à Siem Reap. Visite de certains temples d'Angkor, âme du peuple Khmer, la terrasse des éléphants, la terrasse du roi lépreux, le Bayon, temple principal du carré formé par la cité-capitale, le Prasat Kravan, Ta Phrom, dévoré par les figuiers.
Bottes de marche et serviette autour du cou pour éponger la sueur. Belles rencontres avec le petit peuple Khmer sur le pas de porte de leur petite hutte de bambou.


ANGKOR
 
With its magnificent temple architecture, Angkor was built to symbolize the universe in accordance with the model provided by Hindu cosmology. After the death (c.1215) of its great king Jayavarman VII, the Khmer state gradually declined, and Thai armies sacked Angkor in 1431. Although the city was then abandoned, it became an important pilgrimage site.
Angkor is not only a city; more important, it was an immense technological achievement from which the agricultural prosperity of the whole Cambodian plain derived. This plain was well watered naturally, but its rivers were subject to strong seasonal fluctuations. Controlled, they were capable of producing an enormous increase in fertility. Angkor was thus essentially an elaborate system of artificial lakes, canals, and radiating irrigation channels that watered a huge acreage of rice paddy, and it was the basis for the strength and prosperity of the Khmer Empire.
Since Angkor itself was the technical source of the life-giving agricultural water controlled by the king, it was regarded by the Khmer with religious reverence. Its temples and palaces were an expression of that reverence and at the same time an essential part of its supernatural mechanism. Royal intercession by numerous ceremonies, some of which re-enacted the primal marriage of Hindu divinity and native earth spirit on the pattern of ancient folk cult, ensured the continuing gift of the waters of heaven.





Henri Mouhot (1826-1861)


Henri Mouhot (1826-1861) naturaliste et explorateur français de l'Asie du Sud-Est, après avoir séjourné trois semaines dans les murs d'Angkor Wat pour en exécuter les dessins et les plans principaux écrit dans son carnet:

"À la vue de ce temple, l'esprit se sent écrasé, l'imagination surpassée ; on regarde, on admire, et, saisi de respect, on reste silencieux"
"En traçant à la hâte ces quelques lignes sur le Cambodge, au retour d'une longue chasse, à la lueur blafarde d'une torche, entre la peau d'un singe fraîchement écorché, et une boîte d'insectes à classer et à emballer, assis sur ma natte ou ma peau de tigre, dévoré des moustiques et souvent des sangsues, mon seul but, bien loin de vouloir imposer telle ou telle opinion, a été simplement de dévoiler l'existence des monuments les plus imposants, les plus grandioses et du goût le plus irréprochable que nous offre peut-être le monde ancien ..."






En avril 1858, Henri Mouhot, trente-deux ans, naturaliste embarque à Londres pour un voyage d'étude en Indochine. De ce voyage il ne reviendra pas, mais son journal, ses notes et ses croquis, qui nous sont heureusement parvenus, ont fait l'objet, en 1863, d'une publication dans la revue Le Tour du Monde. C'est à partir de Bangkok, capitale du Siam, base arrière de ses expéditions qu'Henri Mouhot rayonnera dans les différents royaumes de cette partie de l'Indochine.
Pendant trois ans, il collectionne insectes, plantes et minéraux, rédigeant ses notes, chaque soir au bivouac, et réalisant à main levée de remarquables croquis de ses découvertes - dont beaucoup sont reproduites dans cette édition. Son Journal fait également une large place aux hommes qu'il rencontre, Européens ou autochtones, et ses portraits sont à la fois précis et vivants.
Au Cambodge, début février 1860, Henri Mouhot, contrairement à une légende tenace, ne "découvre"pas les ruines du temple d'Angkor, mais il en fait une description détaillée, et son Journal témoigne de sa stupéfaction devant la majesté de ces monuments.
Au cours d'une expédition au Laos, terrassé par un accès de fièvre, il meurt à trente-cinq ans, à une dizaine de kilomètres de Luang Prabang, le soir du 10 novembre 1861. C'est son fidèle compagnon, Phraï, qui rapportera ses écrits et ses échantillons à Bangkok.
Henri Mouhot repose aujourd'hui près de la rivière Khan, tout près de l'endroit où il est mort.
(quatrième de couverture)



façade d'Angkor Vat, d'après un dessin d'Henri Mouhot
Le Tour du monde, 1863. p. 297

À l'aube du 20 janvier1860, accompagné du père Sylvestre, Mouhot quitte Battambâng sur une petite embarcation pour traverser le Tonle Sap et rejoindre Angkor. Deux jours plus tard, ils parviennent à l'embouchure d'une mince rivière qu'ils remontent sur trois kilomètres avant d'abandonner leur bateau. Angkor se situe à l'extrémité occidentale du Grand Lac, en territoire siamois. Au sud, la cité est bordée par la chaîne des Somrais, ramification de celle de Kôrat. Conscients qu'aucun Cambodgien ne recevra des étrangers sous son toit, les deux hommes, les domestiques et leurs bagages s'installent dans un caravansérail délabré, se nourrissent de riz et de thé. Avant de se lancer à la découverte de ces grandioses débris, les deux Français rendent visite au gouverneur d'Angkor, homme affable et tellement mieux éduqué que celui de Battambâng. Il reçoit avec grâce les maigres cadeaux des visiteurs, un pain de savon de Mouhot et deux lithographies de militaires français du père Sylvestre. Les remerciant, il s'approche de Mouhot et lui caresse la barbe avec envie et admiration. " Que dois-je faire pour croître la mienne ainsi ? demande-t-il au botaniste. Je désirerais en avoir une pareille. Ne connaîtriez-vous pas un moyen de la faire pousser ?"

Temples perdus, Claudine Le Tourneur d'Ison 



bivouac d'Henri Mouhot dans les forêts du Laos
d'après un dessin d'Henri Mouhot (1864) British Library


 la tombe d'Henri Mouhot sur les berges de la rivière Khan, à une dizaine de km de Luang Prabang au Laos.

Le 4 avril, j'étais de retour dans cette capitale (Bangkok) après quinze mois d'excursions. Pendant la plus grande partie de ce temps, je n'ai pas connu la jouissance de coucher dans un lit, n'ayant en voyage que de mauvaise eau à boire et une nourriture composée de riz et de poisson sec, ou, pour varier, de poisson sec et de riz. Je suis étonné moi-même d'avoir pu conserver ma santé aussi bonne, surtout à l'intérieur de ces forêts où, souvent, trempé jusqu'aux os sans pouvoir changer de linge, bivouaquant les nuits devant un feu au pied des arbres, je n'ai pas eu une seule atteinte de fièvre, et j'ai toujours conservé mon sang froid et ma gaieté, surtout quand j'avais le bonheur de faire quelque découverte; une coquille inédite, un insecte nouveau me transportaient de joie, et jamais je n'éprouvai autant de jouissances que dans ces profondes solitudes, loin du bruit des villes et des intrigues, vivant libre au milieu de cette puissante, grandiose et imposante nature. C'est là, je le répète, que j'ai connu les plus dures et les plus douces jouissances de la vie. Les naturalistes ardents et passionnés seuls peut-être le comprendront; comme moi, ils comptent pour peu les fatigues, les nuits de bivac dans les bois, les privations de toute espèce supportées en vue des progrès de leur science favorite. Et puis, n'ai-je pas contemplé des ruines grandioses, peut-être uniques dans le monde ? N'ai-je pas été favorisé de petites découvertes, en archéologie, entomologie et conchyliologie qui pourront sans doute être utiles à la science et aux arts, justifier l'appui et les encouragements des sociétés savantes de l'Angleterre qui m'ont patronné, et me faire connaître de ma terre natale, qui a dédaigné mes services ?

Henri Mouhot 
Voyage dans les Royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indochine  















Lorsqu'il fait le voyage d'Angkor en 1901, Pierre Loti exauce enfin l'un de ses rêves d'enfant. En révélant au célèbre voyageur le sens de son existence, ce périple devient à la fois un pèlerinage et une véritable leçon de sagesse. Puissamment évocateur, le magnifique récit de Pierre Loti nous plonge dans les splendeurs de la cité mythique des rois khmers, mais il peut se lire aussi comme la parabole intime du crépuscule d'une vie de marin, de grand voyageur et d'écrivain.
                                                             (Quatrième de couverture)






 ... Plus tard - quelques siècles plus tard, on ne sait trop, car l'existence de ce peuple s'est beaucoup effacée de la mémoire des hommes, les puissants souverains d'Angkor virent arriver, de l'Occident, des missionnaires en robe jaune, porteurs de la lumière nouvelle dont s'émerveillait le monde asiatique: le Bouddha, devancier de son frère Jésus, venait d'éclairer l'Inde, et ses envoyés se répandaient vers l'Extrème - Asie, pour y prêcher cette même morale de pitié et d'amour que les disciples du Christ avaient récemment donnée à l'Europe. Alors, les farouches temples de Brahma devinrent des temples bouddhiques; les statues de leurs autels changèrent d'attitude et baissèrent les yeux avec des sourires plus doux ...






















... Voici les portes; des racines comme de vieilles chevelures, les drapent de mille franges; à cette heure déjà tardive, dans l'obscurité qui descend des arbres et du ciel pluvieux, elles sont de profonds trous d'ombre devant lesquels on hésite. À l'entrée la plus proche, des singes qui étaient venus s'abriter, assis en rond pour tenir quelque conseil, s'échappent sans hâte et sans cris; il semble qu'en ce lieu le silence s'impose. On n'entend que de furtifs bruissements d'eau: les feuillages et les pierres qui s'égouttent après l'averse.

Le guide cambodgien insiste pour partir; nous n'avons pas de lanternes à nos charrettes, dit-il, et il faut rentrer avant l'heure du tigre. Soit, allons-nous-en; mais nous reviendrons exprès pour ce temple infiniment mystérieux...






... Voici où furent des palais, voici où vécurent des rois prodigieusement fastueux, de qui l'on ne sait plus rien, qui ont passé à l'oubli sans même laisser un nom gravé sur une pierre ou dans une mémoire. Ce sont des constructions humaines, ces hauts rochers qui, maintenant, font corps avec la forêt et que des milliers de racines enveloppent, étreignent comme des pieuvres.

Car il y a un entêtement de destruction même chez les plantes. Le Prince de la Mort, que les Brahmanes appellent Shiva, celui qui a suscité à chaque bête l'ennemi spécial qui la mange, à chaque créature ses microbes rongeurs, semble avoir prévu, depuis la nuit des origines, que les hommes tenteraient de se prolonger un peu en construisant des choses durables; alors, pour anéantir leur oeuvre, il a imaginé, entre mille autres agents destructeurs, les pariétaires , et surtout, ce "figuier de ruines" auquel rien ne résiste ... 



... C'est le "figuier de ruines" qui règne aujourd'hui en maître sur Angkor. Au-dessus du palais, au-dessus des temples qu'il a patiemment désagrégés, partout il déploie en triomphe son pâle branchage lisse, aux mouchetures de serpent, et son large dôme de feuilles. Il n'était d'abord qu'une petite graine, semée par le vent sur une frise  ou au sommet d'une tour. Mais, dès qu'il a pu germer, ses racines, comme des filaments ténus, se sont insinuées entre les pierres pour descendre, guidées par un instinct sûr, vers le sol, et, quand enfin elles l'ont rencontré, vite, elles se sont gonflées de suc nourricier, jusqu'à devenir énormes, disjoignant, déséquilibrant tout, ouvrant de haut en bas les épaisses murailles; alors, sans recours, l'édifice a été perdu.
La forêt, toujours la forêt, et toujours son ombre, son oppression souveraine. On la sent hostile, meurtrière, couvant de la fièvre et de la mort; à la fin, on voudrait s'en évader, elle emprisonne, elle épouvante ...

Et puis, les rares oiseaux qui chantaient viennent de faire silence, et qu'est-ce que c'est que cette obscurité soudaine? Il n'est pas l'heure cependant; il doit y avoir autre chose que l'épaisseur des verdures, là-haut, pour rendre les sentiments si sombres... Ah! un tambourinement général sur les feuillées, une averse diluvienne! Au-dessus des arbres, nous n'avions pas vu que tout à coup le ciel devenait noir. L'eau ruisselle, se déverse à torrents sur nos têtes; vite, réfugions-nous là-bas, près d'un grand Bouddha songeur, à l'abri de son toît de chaume...
Quand le déluge enfin s'apaise, il serait temps de sortir de la forêt pour ne pas s'y laisser surprendre par la nuit. Mais nous étions presque arrivés au Bayon, le sanctuaire le plus ancien d'Angkor et célèbre pour ses tours aux quatre visages; à travers la futaie semi obscure, on l'aperçoit d'ici, comme un cahot de rochers. Allons quand même le voir...
En pleine mêlée de ronces et de lianes ruisselantes, il faut se frayer un chemin à coups de bâton pour arriver à ce temple. La forêt l'enlace étroitement de toutes parts, l'étouffe et le broie; d'immenses "figuiers de ruines", achevant de le détruire, y sont insultés partout jusqu'au sommet de ses tours qui leur servent de piédestal.











.. Les Apsâras, qu'elles sont jolies et souriantes sous leurs coiffures de déesses, avec pourtant toujours cette expression de sous-entendu et de mystère qui ne rassure pas... Très parées, ayant des bracelets, des colliers, des bandeaux de pierreries, de hautes tiares pointues ou des touffes de plumes, elles tiennent entre leurs doigts délicats, tantôt une fleur de lotus, tantôt d'énigmatiques emblèmes; toutes celles que l'on peut atteindre en passant ont été si souvent caressées, au cours des siècles, que leurs belles gorges nues luisent comme sous un vernis - et ce sont les femmes qui, pendant les pèlerinages, les touchent passionnément pour obtenir d'elles la grâce de devenir mère ...









... Dans la forêt d'ombre, quantité d'autres ruines s'indiquent, en amas disjoints et bouleversés, sous les belles ramures triomphantes: débris de palais, de piscines ou se baignent des hommes et des éléphants; ils attestent encore la splendeur de cet empire des Khmers, qui brilla pendant mille cinq cents ans, ignoré de l'Europe, et puis s'éteignit après un brusque déclin, épuisé par tant de batailles contre le Siam, l'Annam, ou même la grande Chine immémoriale et stagnante. "

Pierre Loti
(1850-1923)
"Un pèlerin d'Angkor"



Pierre Loti

















    
                             Sur le Mékong à Kratie, province de Kratie, Cambodge oriental























  Toul Sleng Genocide Museum

Du petit hôtel Boddhi Tree Umma, véritable petit oasis, je n'avais que la rue à traverser pour me retrouver dans la cour de cette ancienne école convertie en ce si tristement célèbre centre de détention, d'interrogation et de torture qu'est Tuol Sleng, ( S 21 ) créé en 1975 sur l'ordre de Pol Pot.
Quelle triste histoire ! Difficile de croire que l'homme puisse en venir à de telles horreurs envers ses semblables,  pour des raisons idéologiques. Combien d'innocents et d'innocentes y ont laissé leur peau, de pauvres gens dont le souci premier n'était que de remplir de riz leur bol !
À une quinzaine de kilomètres de Phnom Penh se trouve le camp d'extermination Choeung Ek ( the Killing Fields ). Là, les prisonniers de S21 arrivaient par camions, étaient achevés et enterrés dans des charniers. Durant les années 79 - 80, on y a découvert 129 fosses et exhumé 8975 cadavres de 86 d'entre elles. L'une de ces fosses en contenait 450. 





Toul Sleng Genocide Museum, the former "Security Office 21", in "Democratic Kampuchea"was created on orders of Pol Pot on  april 17, 1975.
Office 21 was called "S-21" and designed for detention, interrogation, inhuman torture, and killing after confessions from the detainees were received and documented.
On january 7, 1979, the Party and the Government collected all the evidence in S-21 such as photographs, films, the prisoners confessions archives, torture tools, shackles, and the fourteen victims corpses abandoned on the site.

Toul Sleng Genocide Museum was opened on aug 19, 1979 when Kampuchea People's Tribunal started the prosecution of "Democratic Kampuchea leaders : Pol Pot, Ieng Sari, Khiev Samphorn.
The former Office S-21 covered an area of 600 x 400 meters. The compound is surrounded by two rows of corrugated iron fence with dense barbed wire...

Previously, the area hosted Toul Sleng Primary School and Toul Svay Prey High School. One more fence of double-row iron topped with barbed wire was erected circling the larger area stretching from Street 113 on the east to Street 131 on the west, from Street 320 on the north to Street 350 on the south.
The enclosure was made after Pol Pot's clique forced city dwellers to leave their homes and live in remote countryside, in conditions close to slavery, as in a prison without walls.
The four buildings of the High School have seen classrooms turned into small cells 0.8m x 2m caging individual prisoners. The front of the buildings was covered by a fishnet of barbed wire, preventing  prisoners from committing suicide by jumping down.







Pauvres innocents dont le souci premier était de remplir de riz leur bol...

























  
Choeung Ek Genocidal Centre...

... is a unique and special place which reflects the most barbarous and cruel crimes committed by the Ultra Communist Khmer Rouge Regime during 1975-1979.
Here, about 20.000 people including foreigners were executed and murdered. Obviously, 129 mass graves and about 8000 human skulls at the site bear testimony to this unspeakable crime. 
In order to remember the spirits of victims at the site and as well as over three million victims throughout the country, a Memorial Charnel was built in the centre in 1998.













    
     Sur le Mékong à Kratie






Et le voyage continue ...
And the journey continues ...

nomadensolo@gmail.com

1 commentaire:

Anonyme a dit…

GILBERT france Je viens de revoir les photos du Cambodge et notamment celles des camps du sinistre Pol Pot. Il y a 2 jours j'ai assisté à une conférence -diaporama donnée par un couple d'amis, mais par pudeur ils nous ont épargné ces photos insoutenables,violentes mais qui représentent une réalité qu'on ne peut occulter. Tes photos sont comme toujours très réalistes et bien encadrées par les écrits de LOTI;
So long JM de Gilbert FRANCE