MYANMAR



En mer, l'extrême matin, dans les brumes de l'Irrawaddy, devant les bouches du grand fleuve, au milieu du tourbillon des goélands et des mouettes.

Partis depuis trois jours de Calcutta, nous devons être à toucher la terre de Birmanie, dont rien pourtant ne se devine encore...

Midi. Comme au théâtre un rideau se lève, la brume en une minute se détache des choses terrestres; elle monte et se dissout dans le ciel, c'est fini. Un soleil torride, soudainement dévoilé, fait luire autour de nous des eaux jaunâtres. De tous côtés apparaissent des côtes basses, à demi noyées, dirait-on, et que recouvre un tapis d'humides verdures. Et, dans le lointain de ce pays plat, au fond de ces plaines trop vertes où rien d'humain ne se dessine, quelque chose d'unique arrête et déroute les yeux; on croirait une grande cloche d'or, surmontée d'un manche d'or... c'est bien de l'or, à n'en point douter : cela brille d'un éclat si fin ! Mais c'est tellement loin qu'il faut que ce soit gigantesque; cela excède toutes les proportions connues; avec cette forme étrange, qu'est ce que cela peut être ?
C'est la pagode pour laquelle j'ai entrepris ce long pèlerinage, la plus sainte des pagodes de Birmanie, qui contient des reliques des cinq Bouddhas, et trois cheveux de Gaudama, le dernier venu des cinq. Elle est millénaire; depuis les vieux temps, les fidèles y accourent de tous les points de l'Asie, apportant des richesses et de l'or, de l'or surtout, des plaques et des feuilles d'or pour épaissir cette couche magnifique dont sa grande tour est revêtue et qui miroite là-bas sous ce soleil. Et il y a des siècles qu'elle brille ainsi la pagode, toujours pareille à elle-même, malgré tant de modernes bouleversements qui, paraît-il, ont eu lieu à ses pieds, dans la ville de Rangoon, son premier aspect au loin est demeuré inchangé ; pendant tout notre moyen âge, les pèlerins sans nombre, que lui amenaient de la Chine ou de l'Inde les somptueux et bizarres navires, l'apercevaient, sur l'horizon et au soleil de ces temps-là, telle que je la vois en ce moment : cloche d'or, comme posée au milieu de cette étendue d'éternelle verdure.

Pierre Loti, Les pagodes d'or

Court récit situé à Rangoon en 1900 tandis que, venant de Calcutta, l'Escadre Française se rend à Pékin pour la campagne de Chine contre les Boxers.



MYANMAR

(Republic of the Union of Myanmar)
Capital: Naypyidaw
Area: 676,578 km2
Population: 60,280,000
Official language: Burmese
Currency: Kyat
  


   

  Shwe Dagon Pagoda... (XVth century)

...visible from almost anywhere in the city is for the people of Myanmar the most sacred of all buddhist sites, one that all Myanmar Buddhists hope to visit at least once in their lifetime. The Shwe Dagon Paya glitters bright gold in the heat of the day. Its dome rises 322 feet above its base.


Then, a golden mystery upheaved itself on the horizon, a beautiful winking wonder that blazed in the sun, of a shape that was neither Muslim dome nor Hindu temple spire. As it stood overlooking everything it seemed to explain all about Burma.
Rudyard Kipling (1865-1936) Letters from the East



British troops occupied the compound for two years immediately after the first Anglo-Burmese war in 1824. In 1852, during the second Anglo-Burmese war, the British again took the paya, the soldiers pillaged it once more and it remained under military control for 77 years until 1929. During the 20th century, the Shwedagon Paya was the scene for much political activity during the Myanmar independence movement.
Aung San Suu Kyi spoke to massive crowds here in 1988 and the temple was also at the centre of the monks' protests in 2007. It is the ultimate place to max out on Buddhas...












Pilgrims at Shwe Dagon Paya





























aboard the train to Toungoo...


RANGOON train station






street of Rangoon














the train Rangoon-Toungoo





Mandalay

À Moulmein, près de la vieille pagode, regardant à l'est, vers la mer,

Il y a une jeune Birmane qui est assise, et je sais qu'elle pense à moi:

Car le vent souffle dans les palmiers, et les cloches du temple disent:

"Reviens donc, soldat anglais; reviens à Mandalay !"

Reviens donc à Mandalay, où la vieille flottille était ancrée: 

N'entends-tu pas les roues à aube clapoter de Rangoon jusqu'à Mandalay ?

Sur la route de Mandalay

Où jouent les poissons volants,

Et où l'aube, comme le tonnerre, monte de Chine de l'autre côté de la baie!


Son cotillon était jaune et son petit bonnet était vert,

Et elle s'appelai Supi-yaw-lat, tout comme la reine épouse du roi Thibaw, 

Et la première fois que je l'ai vue, elle fumait un long cigare à bouts coupés

Et gaspillait des baisers chrétiens au pied d'une idole païenne:

Fichue idole faite de boue

Qu'ils appellent le grand Bouddha

Elle se fichait pas mal des idoles quand je l'ai embrassée, là où elle se tenait

Sur la route de Mandalay ...


Quand la brume tombait sur les rizières et que le soleil déclinait lentement,

Elle prenait son petit banjo et elle chantait"Kulla-lo-lo !"

Son bras sur mon épaule et sa joue contre ma joue

On regardait les bateaux à vapeur et les éléphants qui empilaient le teck.

Les éléphants qui empilaient le teck

Dans la crique de vase et de boue liquide,

Où le silence pesait si lourd qu'on osait à peine parler !

Sur la route de Mandalay ...


 Mais tout ça je l'ai laissé derrière moi, c'est bien vieux et c'est bien loin.

Et il n'y a de ligne d'omnibus qui fait Bank-Mandalay,

Et ici à Londres je comprends ce que dit tout vieux soldat:

"Une fois qu'on a entendu l'appel de l'orient, on ne fait plus attention à rien d'autre."

Non, on ne fait plus attention à rien d'autre

Qu'à ces odeurs d'ail et d'épices,

Et au soleil et aux palmiers et au tintement des cloches du temple.

Sur la route de Mandalay ...


J'en ai assez d'user mes semelles sur ce pavé rapeux,

Et le fichu crachin anglais réveille la fièvre dans mes os ;

Même si je sors avec cinquante bonniches, depuis Chelsea jusqu'au Strand,

Elles parlent beaucoup d'amour, mais qu'est-ce qu'elles y comprennent ?

Le visage bouffi et crasseux et

Bon Dieu ! Qu'est-ce qu'elles y comprennent ?

J'ai une petite plus raffinée, plus douce, dans un pays plus propre et plus vert !

Sur la route de Mandalay ...


Expédiez-moi quelque part à l'est de Suez, où le meilleur et le pire se ressemblent,

Où il n'y a pas les Dix Commandements et où un homme peut se payer de belles soifs ;

Car les cloches du temple lancent leur appel, et c'est là-bas que je voudrais être,

À Moulmein, près de la vieille pagode, regardant paresseusement la mer.


Sur la route de Mandalay,

Où la vieille flottille était ancrée :

Et nos malades sous les grandes tentes quand on allait à Mandalay !


Ô la route de Mandalay ,

Où jouent les poissons volants,

Et où l'aube, comme le tonnerre, monte de Chine de l'autre côté de la baie !


Rudyard Kipling (1890)














                                                              train  TOUNGOO / Rangoon








La Birmanie n'a que rarement attiré l'attention des écrivains voyageurs français, elle apparaît bien plus fréquemment dans la littérature de langue anglaise. Les premiers comptoirs occidentaux installés dans ce pays au début du XVIIe siècle étaient portugais, hollandais et anglais, et ce sont les Britanniques qui finirent par le coloniser entièrement au XIXe siècle. C'est donc à travers la littérature britannique que la Birmanie se fit connaître dans la culture occidentale, d'abord sous les allures d'une fantasmagorie exotique et coloniale dans le poème "Mandalay" (1890) de Rudyard Kipling. Plus tard, d'autres Anglais relatèrent bien différemment et plus concrètement leurs voyages ou leurs séjours en Birmanie, par exemple, Somerset Maugham, dans "Un gentleman en Asie"(1930), ou George Orwell dans "Une histoire birmane"(1934). Mais du côté français, les textes consacrés à ce pays sont beaucoup plus rares.
Yvan Daniel





TOUNGOO train station master



Deux jours après, nous volions au-dessus de la Birmanie et de sa haute jungle. Pendant des heures, végétation et monts sauvages passèrent sous nos yeux... Puis, un immense serpent liquide, couleur d'étain fondu, figura l'Irrawaddy. Quand s'amorçait son delta, Rangoun apparut.
Joseph Kessel, La vallée des rubis. (1955)





TOUNGOO train station



















street in TOUNGOO


































































Had I been able to leave Myanmar overland, I would have missed, shortly after take off at the Rangoon airport, an unforgettable spectacle, that of the delta of the Irrawaddy river, referred to as "The Road to Mandalay" by Rudyard Kipling, emptying into the Andaman Sea.
From Bangkok, traveled overland to north-western Yunnan in China, across Thailand, entering Laos in Vientiane, via the Friendship Bridge over the Mekong, another mighty river that feeds millions.

Et le voyage continue ...
And the journey continues ...

nomadensolo@gmail.com

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