ASIE MINEURE prise 3


 













Entre deux gorgées de thé qu'un jeune garçon vient de livrer, rituel incontournable, Metin, originaire de Malatya en Anatolie orientale, déroule ses tapis et kilims qui s'empilent au milieu de sa petite boutique à l'acoustique feutrée et m'explique en fin connaisseur la provenance de chacun d'eux, la nature du décor et des colorants naturels utilisés tels le safran, l'aubergine, l'indigo, propres à leur région d'origine. Chaque tribu m'explique t-il et chaque village possède son propre style, couleurs chatoyantes ou sobres, décors complexes ou épurés et dont les tons ethniques et les motifs constituent une forme d'écriture symbolique et représentent à la fois la mémoire et l'identité des peuples sédentaires, nomades ou semi-nomades qui les tissent. Un art qui semble en voie de disparition me dit-il avec un air de nostalgie. Son goût va plutôt vers des tapis de 40 à 60 ans d'âge qu'il me montre avec fierté et dont il me vante la qualité du nouage et des couleurs inaltérées par les années.

Voilà le jeune garçon de retour avec une autre tournée d'un thé encore fumant et servi dans ces verres particuliers qui ne sont pas sans faire penser à une tulipe, un des symboles de l'Empire Ottoman. Metin m'informe que la tulipe aurait été acclimatée dans les jardins des sultans ottomans durant le règne de Soliman le Magnifique. (1520-1566) 







En attendant mon vol pour Trébizonde, coup d'oeil sur une petite exposition de photos à l'aéroport d'Istanbul.







An injured Syrian child waits for treatment at a makeshift hospital in the rebel-held area of Douma, east of the capital Damsacus following the reported air strikes by forces loyal to president Bashar al-Assad
February 2, 2015
Photographer : Abd Doumani






5 years old Noha Abu M. posing at her new home in the Nuseirat refugee camp in the central Gaza strip.
Photographer : Wissam Nassar





Smoke rises from the rebel controlled district of Jobar in western Damascus after airstrikes by the Syrian regime forces.
April 2, 2015
Photographer : Ammar Sulaiman




Asmat A. continues to struggle with trauma from the violence she experienced in Myanmar. She arrived at the Thankhali  Rohinga refugee camp in Bangladesh from Kumar Khali in Myanmar Rakhine state.
September 6, 2017
Photographer : K. M. Asad






Wounded Syrian girl looks on in a makeshift hospital in the rebel-held area of Douma, east of Damascus after shelling and air raids by Syrian government forces.
August 22, 2015
Photographer : Abd Doumany












De Maçka (28 km au sud de Trébizonde) une petite route mène à Sümela. Dans un décor abrupte et reculé, l'extraordinaire monastère se tient littéralement accroché à la falaise. Il faut compter 3/4 d'heure d'ascension pour l'atteindre. Un sentier bien aménagé court dans la montagne, au milieu d'une végétation luxuriante. Partout l'eau suinte, le vert des feuilles est profond. Enfin apparaissent un aqueduc, des escaliers ; c'est l'entrée du monastère à une altitude de 1200 mètres, au-dessus de la vallée de l'Altindere.  



Le monastère aurait été fondé, selon la tradition, en 386 sous le règne de l'empereur Théodose le Grand, par deux moines qui trouvèrent dans une grotte une icône de la Vierge Marie. Il aurait été reconstruit au VIe siècle par Bélisaire, l'un des officiers de Justinien.
Le monastère apparaît la première fois sous son nom de Sümela à l'époque des Comnène, la dynastie régnante de l'empire byzantin de Trébizonde et s'agrandit, y compris pendant la période ottomane.




































































































































Xénophon d'Athènes, 4(30) ? av. J.-C., 355 (?)






"Thàlatta! Thàlatta"- La Mer ! La Mer ! est le cri que poussèrent les Dix Mille grecs apercevant les rivages du Pont-Euxin depuis les hauteurs de la chaîne pontique, sur les pentes du mont Théchès, aujourd'hui le mont Madur, près de Trébizonde, à l'issue de la longue retraite par Xénophon dans l'Anabase.
À la demande de Cyrus le Jeune, ils s'étaient engagés comme mercenaires jusqu'au milieu de l'immense Empire Perse, avant de s'engager finalement, invaincus, dans une longue retraite à travers la Syrie, la Babylonie et l'Arménie, jusqu'aux rives de la mer Noire. Le cri d'enthousiasme des Grecs devant les rivages enfin retrouvés fut relaté par leur commandant Xénophon, et est demeuré célèbre.



Ils arrivèrent à la montagne le cinquième jour. Cette montagne s'appelait Théchès. Quand les premiers arrivèrent au sommet, un grand cri s'éleva. En l'entendant, Xénophon et l'arrière-garde crurent que le front aussi était attaqué ; car ils étaient suivis en queue par les gens du pays qu'ils venaient de brûler. L'arrière garde en avaient même tué et capturé quelques-uns dans une embuscade et avaient pris une vingtaine de boucliers couverts de peaux de boeufs brutes et garnies de poils. Comme la clameur grandissait et se rapprochait et qu'au fur et à mesure que les soldats s'avançaient, ils couraient se joindre aux autres qui criaient toujours, la clameur grossissant avec le nombre fit croire à Xénophon qu'il se passait quelque chose d'extraordinaire. Il monte à cheval, prend avec lui Lycios et les cavaliers et il court pour prêter main-forte ; mais bientôt il entend les soldats crier : "La mer ! La Mer !" et ces mots passent de bouche en bouche. Alors tout le monde se met à courir, l'arrière-garde aussi, et l'on talonne les bêtes de somme et les chevaux. Quand tous les soldats sont arrivés au sommet, ils s'embrassent les uns les autres ainsi que leurs généraux et leurs lochages avec les larmes aux yeux. Et soudain, sans qu'on sache qui en a donné l'ordre, ils apportent des pierres et en font un monticule sur lequel ils placent, en guise d'offrande, un grand nombre de peaux de boeuf non tannées, des bâtons et des boucliers d'osier pris à l'ennemi. Le guide mettait lui-même ces boucliers en pièces et engageait les autres à faire comme lui. Après cela on renvoie le guide, après lui avoir fait cadeau sur la masse commune d'un cheval, d'une écuelle d'argent, d'un habillement à la perse et de dix dariques. Il demandait surtout des anneaux et il en obtint de beaucoup de soldats. Puis leur ayant montré un village pour y camper, et la route pour se rendre chez les Macrons, il attendit le soir et s'en retourna de nuit.
L'Anabase, livre IV, chap VII, 21-27




Diogène le Cynique naquit à Sinope, (sur les bords de la mer Noire, à l'ouest de Trébizonde) en 404 avant J.-C. On sait qu'il avait un tonneau pour habitation et qu'il parcourait les rues avec une lanterne allumée en plein jour, affirmant à voix haute : "Je cherche un homme honnête". 

Ses besoins essentiels étaient réduits au minimum : un manteau pour vêtement et pour couche, hiver comme été, une jatte pour manger et une écuelle pour boire. Mais un jour, ayant vu un gamin mettre des lentilles directement sur son pain, il jeta la jatte, et quand il vit le même garçon boire de l'eau dans le creux de sa main il fit suivre le même chemin à l'écuelle.
Luciano de Crescenzo, Les grands philosophes de la Grèce Antique.



                                                                  Diogène le Cynique
                                                              Jean-Léon Gérôme (1860)

Alexandre espérait que Diogène de Sinope, qui vivait à Corinthe, "viendrait lui aussi le trouver et le féliciter". Comme Diogène ne se souciait aucunement d'Alexandre et restait tranquillement au Craneion, ce fut Alexandre lui-même qui se déplaça. Diogéne se trouvait allongé au soleil. En voyant arriver tant de monde, il se redressa un peu et jeta les yeux sur Alexandre. Celui-ci, l'ayant salué, lui adressa la parole le premier pour lui demander s'il avait besoin de quelque chose : "Écarte-toi un peu du soleil !", répondit l'autre. Alexandre en fut profondément frappé, dit-on ; le philosophe le méprisait, mais lui, il admirait son dédain et sa grandeur. Alors que ses compagnons, en s'en allant, riaient et se moquaient, il leur dit : "Eh bien moi, si je n'étais pas Alexandre, je serais Diogéne".
Plutarque, Vie d'Alexandre, 14, 2-5


                                                                 "Ôte-toi de mon soleil"
                                                              Paride Pascucci (1866-1954)
















            Sur le plateau d'Anatolie orientale









                                       ANI
                              Capitale de l'Arménie médiévale


Les chroniques médiévales du Proche-Orient l'appelaient, en raison de sa grandeur, la ville "des mille et une églises" ou "des quarante portes. Sa renommée atteignaient les lieux les plus reculés. Ceux qui ont eu l'occasion de la visiter à l'apogée de sa splendeur, entre le Xe et le XIIIe siècle, ont déclaré qu'elle rivalisait par sa beauté avec les capitales contemporaines de l'Orient : Bagdad, le Caire et Constantinople.
Pour y accéder, il faut atteindre la somnolente Kars, dans le nord-est de la Turquie, et parcourir une cinquantaine de kilomètres le long d'une route monotone qui traverse un plateau aride et venteux sur lequel on ne croise pas âme qui vive.










                                                             frontière turco-arménienne


                                                 ruines de la cathédrale d'Ani (Xème siècle)


                                                          Pont de la route de la soie
Bien que la date de construction ne soit pas connue avec précision, on pense qu'il a été construit au IXe siècle. Il est situé à l'endroit où la route de la soie de 6400 km de long entre en Anatolie. Le rez-de-chaussée du pont à deux étages est destiné aux caravanes et l'étage supérieur aux passages piétons et militaires. 










Au cours des années 1980, la région est devenue l'une des frontières les plus impénétrables du monde, où l'Union Soviétique, héritière de l'Empire russe fait face à l'Otan et à son allié turc. L'ancienne capitale arménienne était à nouveau un no man's land, entourée de kilomètres de barbelés et de champs de mines, et sacrifiée à la logique de la guerre froide. jusqu'au milieu des années 1990. Après la dissolution de l'URSS, les choses ont lentement commencé à changer. Si aujourd'hui Ani n'est plus impénétrable, elle reste un lieu situé sur une frontière délicate, entre deux nations - la Turquie et l'Arménie - divisées par un passé tragique.



                  frontière turco-arménienne, les gorges de l' Akhourian, l'Arpaçay pour les Turcs 






murales au Café Beyrouth




 De Kars, départ à 8 heures sur le Dogu Express, l'homologue turque de l'Orient Express, 1365 km de voie ferrée d'est en ouest pour arriver le lendemain à midi en gare d'Ankara où je passerai quelques jours, puis train pour Istanbul (533km)






















               Au Musée des Beaux-Arts d'Ankara



                                                             Osman Hamdi Bey (1842-1910)


                                                      Hoca Ali Riza (1858-1930) Manzara


                                                              Nurullah Berk (1906-1982)



                                                              Ali Avni Çelebi (1904-1993)


                                                                         Ali Avni Çelebi


                                                               Sefik Bursali (1903-1990)


                                                              Esref Üren (1897-1984)


                                                                Neset Günal (1923-2002)


                                                            Elif Naci (1898-1987) Atatürk


                                                                Ali Sami Yetik (1876-1945)

"Et le voyage continue ..."
"And the journey continues ..."

nomadensolo@gmail.com

1 commentaire:

hugues maltais a dit…

fascinant, intrigant , ça semble être le berceau de l'humanité